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gamal abina
15 mars 2021

Il y a 19 ans jour pour jour, notre famille devait connaître une date funeste.

Il y a 19 ans jour pour jour, notre famille devait connaître une date funeste. 

Le 15 mars 2002, à 6h du matin, mon père à la maison devait rendre son dernier souffle. 

Au terme d'une lutte acharnée de 5 ans, contre un cancer dissimulé dans son sang : la leucémie qui finira par remporter la guerre. 

Mon père, ce héros, ce vaillant combattant pour la liberté d’une Algérie colonisée par la barbarie des colons. 

Il naquit en 1941, en plein cœur du conflit mondial, connu sous le triste nom de “Seconde Guerre mondiale”. Son arrivée au monde résonnait déjà dans les tragédies, les destructions, et les morts consécutives aux bombardements des belligérants. 

Lorsqu'il avait 12 ans, à nouveau une guerre se déclenche, "La sale guerre" comme on l'appelait à l’époque, la guerre d'Algérie, qui durera 7 ans et demi et emportera avec elle un million et demi de martyrs. 

C’est donc à 12 ans, en 1954 déjà, qu’il fera partie des petites forces vives de la logistique du FLN. 

Le General génocidaire d'amérindiens, Custer disait “les louveteaux deviennent des loups” ; en Algérie ce principe était parfaitement compris par les militaires de l'armée d'occupation coloniale. 

À 14 ans, mon père sera fait prisonnier à Alger, avec son jeune frère et torturé par l'équipe de Jean-Marie Le Pen. Il survivra et continuera par la suite avec notre grand-père à soutenir les forces de libération de l'Algérie. 

À 17 ans, il sera bombardé au napalm, ces fameux “bidons spéciaux”, destinés à brûler les victimes malheureuses qui se trouvaient sur leur chemin. 

Les traces de ses brûlures abominables, sur ses jambes, nous, ses enfants, les avions vu et les connaissions parfaitement. 

Là encore il échappa à une mort certaine, que malheureusement un de ses amis devait lui, connaître, parce que la bombe “du pays des droits de l'homme”, jetée d'un hélicoptère, explosera à une proximité immédiate de ses jambes, épargnant le reste de son corps meurtri pas l’impact 

C'est un médecin du FLN qui soignera ses blessures, détachant les chairs brûlées et fusionnées. 

La guerre durera six mois de trop pour mon grand-père, qui sera assassiné, devant ses enfants à coup de crosses. Il mettra une semaine à mourir, sans pouvoir prononcer un mot, ni une prière pour son âme. 

1962 ce sera un jour de gloire pour l'Algérie, qui célébrera sa victoire et ses martyrs. 

Un an après, mon père, toujours mobilisé pour un service militaire de 24 mois, se trouvait embarqué avec beaucoup d'autres comme lui, dans la “Guerre des sables” imposée par Hassan II. 

Lui, trop jeune pour comprendre ce qui se tramait, toujours illettré, comme la France coloniale avait voulu que la population algérienne soit, refusera de tirer sur ses frères marocains, en se demandant pourquoi, après une guerre barbare contre le colon, nous devions à nouveau connaître une injustice fraternelle. 

Il conservera son poste mais tirera systématiquement dans le sable, pour épargner ses adversaires d’infortune.  

Cette drôle de guerre, à proximité des zones des essais nucléaires français, finira par avoir des conséquences graves sur sa santé, puisqu'il développera une leucémie chronique 34 ans plus tard.  

Mon père avait coutume de dire que la pire des choses qui puisse arriver à l'humanité, c'était la guerre. 

En arrivant en France, il se battra comme un soldat, pour s’alphabétiser en français et en arabe, dans des cours du soir, mais surtout sera engagé dans les luttes de libération des peuples vietnamiens, sud-africains, palestiniens et libanais. 

Aujourd'hui il est facile de dire "Vive la Palestine", depuis que les instances internationales reconnaissent son existence, mais à l'époque cela pouvait vous conduire droit en prison. Le seul fait de prononcer le mot “Palestine” était bien évidemment interdit. 

C'est pour toutes ces qualités, et bien d’autres, que toute notre famille avait une admiration sans borne de notre père.  

Il était difficile pour moi de ne pas m'engager à mon tour sur les questions de Justice et de droit.  

Si je tenais à faire ce témoignage, 19 ans jour pour jour après son dernier combat, d’un homme qui est mort debout, c'est pour rappeler que la barbarie coloniale à arraché à mon père, son propre père, a assassiné près de 30 % de notre famille, a utilisé des armes interdites comme le napalm, dont on fait croire aujourd'hui, qu'elle n'existait pas, à exposé mon père aux conséquences des essais nucléaires en plein air, dont on reparle aujourd'hui, mais surtout ne l'a jamais empêché de garder sa dignité en dépit de la haine qu'il a subi de la barbarie coloniale.  

Je n'accepterai jamais que l'on parle des bienfaits de la colonisation, parce que je connais cette histoire, intimement et réellement. 

Mon père, paix à son âme, s’appelait Belkacem Abina, et il nous manque terriblement aujourd’hui encore et à jamais.  

Je parle pour ma famille, pour nos martyrs et pour moi-même.  

Notre petite histoire à rejoint la grande histoire.  

 

Gamal Abina. 

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Commentaires
H
Mon Dieu, je ne savais pas tout cela et pourtant, je ne suis pas jeune, comme votre famille a dû souffrir par tant d injustice,, et quel courage pour défendre l honneur d un pays, votre devoir est rétablir la vérité, que tous sachent, et peut être qu un jour, le pardon mutuel sera là,, la paix et le pardon seront donnés par les enfants,mes pensées vont vers vous,, cordialement, Huguette
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gamal abina
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